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Genèse: Ceux qui décident de vivre différemment

Pour certains c’est de la chance, pour d’autres c’est du courage. Quelques uns resteront indifférents… Tout le monde s’est déjà entendu dire « Oh, comme tu as de la chance de faire ceci, de partir là ! » Dans notre cas, nous l’avons entendu, et pas qu’une fois…

Bien sûr, le fait d’habiter, d’être en bonne santé, de travailler en Suisse (ou tout autre pays dit ‘développé’) procure un avantage certain par rapport à d’autres populations moins favorisées, c’est indéniable. Mais à notre avis, la chance s’arrête là ! Dans notre cas, c’est avant tout un choix…

Bien entendu, nous sommes conscients que les charges financières par rapport à une famille ne sont pas les mêmes, mais elles n’en restent pas moins conséquentes proportionnellement. Notre train de vie n’a jamais été élevé et nous disposions chacun d’un revenu correct, sans pour autant être mirobolant… Ce genre de voyage nécessite un minimum d’organisation et de volonté, notre style de vie a donc été adapté à notre projet : finies les dépenses superflues ou futiles, les sorties coûteuses ou les vacances onéreuses. 

A présent, je vais utiliser une métaphore pour décrire comment je vois le voyage longue durée. Prenez une bouteille de vin de 5 litres qui représente une année : elle comporte 50 décilitres qui correspondent à chaque semaine (nous savons tous qu’une année comporte 52 semaines, mais j’arrondis volontairement à 50 pour des raisons de calcul). 50 dl = 5 litres = 1 année

En tant qu’employés en Suisse (hors enseignants ou professions particulières), nous avons 4 à 5 semaines de vacances. Dès lors, chaque personne boit maximum 5 décilitres de cette bouteille par année. Le reste de la bouteille est perdu la plupart du temps… Et chaque année, une nouvelle bouteille nous est offerte, sans pour autant pouvoir la cumuler avec les précédentes.

Notre choix de partir en voyage sur une année s’est fait sur le constat suivant : pour nous, l’idée était de déguster au maximum cette bouteille de 5 litres, de prendre le temps de savourer ce breuvage, de se l’approprier et d’en boire jusqu’à la dernière goutte. Car contrairement aux vacances, qui permettent à peine de se reposer, un long voyage nécessite une autre approche. 

Toute relation débute par une rencontre, tout voyage commence par un premier pas…

Mai 2015

Un mercredi soir, lors d’un cours de salsa, Camille et moi faisons connaissance. Elle vient de s’inscrire dans cette école de danse avec son meilleur ami et on va donc suivre les mêmes cours que moi ces prochains mercredis, jusqu’aux vacances d’été.

Juillet 2015

C’est la pause estivale aux cours de salsa. Je reçois un message d’une certaine Camille sur Facebook (réseau social à la mode jadis). J’ai mis du temps avant de réaliser qui c’était ! 😉 On convient de se retrouver le temps d’une soirée au festival Paléo. Elle s’y rend toute la semaine alors que je n’ai acheté qu’un billet journalier pour la veille de mon départ en vacances.

Août 2015

Au retour de mes vacances en Turquie, on décide de se revoir. Quelques jours plus tard, lors des Fêtes de Genève, le rapprochement se fait et c’est ainsi que notre couple démarre. Très vite, nous constatons que nous avons les mêmes envies et les projets se dévoilent naturellement. 

Décembre 2015

Après une fouille assidue des annonces immobilières, nous déposons notre dossier en vue de louer un appartement dans un tout nouveau quartier de Lausanne. Le bâtiment étant encore en construction, il est un peu difficile d’imaginer à quoi ressemblera notre premier nid… Quelques semaines plus tard, la réponse est positive : nous emménagerons ensemble en mai 2016.

Hiver 2015-2016

Période très stressante pour nous deux. Le domaine dans lequel je travaille exige une attention accrue et de nombreuses heures de présence en ce premier trimestre de l’année. Camille, de son côté, commence le recrutement de volontaires et la longue période de tests pour son projet de recherche.

Mai 2016

On a les clés ! Camille quitte sa coloc’ dans laquelle elle aura vécu une année seulement, alors que j’ai habité dans mon appartement pendant 9 ans (je vous explique pas le bordel). Grâce aux plans, la décoration et l’ameublement avaient été plus ou moins réfléchis en amont, et nous savons à peu près à quoi nous voulons que notre appart’ ressemble. Dans notre lancée, nous décidons de peindre quelques pans de murs de certaines pièces. Aucun de nous ne veut de télévision. Mais vers quoi vont pointer les meubles de notre salon ?? (#FriendsforeverPetit détail qui a son importance : nous collerons donc un énorme autocollant mural représentant la carte du monde. Bien mieux qu’une télé !

Eté 2016

À chaque fois que nous nous posons sur notre canapé, nous nous mettons à rêver des endroits que nous voudrions visiter. On pourrait accrocher des photos de vacances sur notre sticker mural et pointer nos lieux de voyages ! On pourrait d’ailleurs aller là… et ici… et là… et aussi là… et pourquoi pas là-bas ? D’ailleurs, pour commencer à animer ce mur, nous partons un long week-end aux Cinque Terre, en Italie.

Septembre 2016

Nos premières vacances outre-mer. Départ au Pérou pour un voyage qui permettra de donner un aperçu à Camille de la beauté de mon pays. Nous partons 2 semaines et demies seulement, principalement pour des raisons professionnelles. Trop court ! Une question lancinante ne cesse de revenir dans nos discussions : « Et si au lieu de partir juste 2-3 semaines par année, on partait au moins une année ? » L’idée fait son chemin… d’autant plus au retour à la maison, lorsque nous observons notre carte du monde, toujours intacte.

Hiver 2016-2017

Période très stressante pour nous deux (bis) : entre nos engagements professionnels, associatifs et autres activités, les moments en couple sont rares et réussir à sortir la tête de l’eau demande une certaine habileté et planification. À ce stade, l’idée lancée il y a quelques mois en est au point mort.

Avril-mai 2017

La frénésie de début d’année diminue pour moi, et Camille réussit à arranger quelques jours de congés au milieu d’un agenda professionnel surchargé de visites pour son étude clinique. Nous en profitons pour nous échapper une petite semaine à Tenerife, dans les Îles Canaries. Trop court ! Voilà que cette envie de voyager sur le long terme revient au galop… Non mais vraiment, tu penses que l’on peut organiser un voyage comme ça ? Nous ??? Si d’autres le font, pourquoi pas nous ?

Été 2017

Dans notre entourage, plusieurs personnes ont effectué des voyages de quelques mois, mais très peu ont voyagé une année entière, voire plus. Depuis quelques mois déjà, je scrute les blogs de voyage pour essayer de voir les itinéraires possibles… L’idée de partir une année nous paraît encore abstraite. J’emprunte des livres de voyage à la bibliothèque : ceux-ci relatent les expériences de voyageurs et ce que le voyage leur a apporté. Loin d’être des vacances longue durée, le voyage sur plusieurs mois semble se préparer bien différemment… Presque toutes les nuits avant de nous endormir, nous visionnons des vidéos de voyage ou nous feuilletons les livres empruntés.

D’envie abstraite, cette idée devient de plus en plus concrète. Quand partir exactement ? Où aller ? Comment l’annoncer à nos employeurs respectifs ? Est-ce réalisable financièrement parlant ?

Il n’y a qu’une seule façon de le savoir : la décision est prise. Notre voyage n’est plus une idée, mais un projet. Oui, nous partirons en tour du monde !

Camille a terminé la période de recrutement et de tests cliniques, et après discussion avec ses directeurs, la fin de sa thèse se profile pour l’automne 2018. Le budget approximatif est calculé et nous savons combien nous devons encore mettre de côté en une année et demie. Depuis le temps qu’on lance cette idée sur le ton de la plaisanterie, on peut enfin changer de discours : nos proches commencent à se rendre compte que notre projet est réel. Le compte à rebours a commencé…

Octobre 2017. Départ dans 1 an.

Pour commencer à rendre ce projet réalisable, nous avons fait le choix de déménager dans un appartement plus petit*. En Suisse, pour un couple sans enfants, le loyer et les assurances sont les charges les plus importantes dans un foyer. C’est donc le premier pas de ce qui doit nous mener à notre voyage longue durée… L’itinéraire est encore loin d’être décidé, mais nous sommes maintenant réellement lancés dans la préparation de ce grand projet !

*Qu’en est-il de notre sticker ‘carte du monde’, me direz-vous ? Eh bien, nous avons dû nous résoudre à l’enlever. Rassurez-vous, nous avons trouvé un moyen de l’immortaliser…

Décembre 2017. Départ dans 10 mois.

Dans mon job actuel, comme certainement dans toutes les entreprises, chaque année en décembre a lieu l’évaluation professionnelle. Je me revois assis, dans le bureau de mon supérieur, en face de lui. Il commence par m’informer de tout ce qui ne s’est pas bien déroulé lors de cette année 2017. Je l’entends ne se concentrer que sur les points négatifs. Il me montre des copies d-e-mails, des documents annotés, tout ça bien classé dans une belle pochette en plastique. Quel privilège ! Bref, je reste là à l’écouter… Lorsqu’enfin il me donne la parole, c’est le déclic, et je lui annonce la nouvelle (ce n’est textuellement pas ce qui a été dit, mais l’idée générale y est)« J’ai une nouvelle à t’annoncer. Je vais démissionner en automne 2018. Avec ma copine, nous avons d’autres projets. » De par sa réaction, je comprends tout de suite qu’il est pris au dépourvu, essayant visiblement d’avaler cette information tout en cherchant la meilleure solution. Cette fois, pas de retour en arrière pour moi.

Hiver 2017-2018. Départ dans 8 mois.

Période très stressante pour nous deux (ter). Avec un tel projet qui m’attend dans quelques mois, l’expérience me permet cependant de mieux apprivoiser le stress. Camille est dans les analyses jusqu’au cou, et tente de gérer la rédaction d’articles et la préparation du rapport de thèse en parallèle.

Printemps 2018. Départ dans 6 mois.

Chacun de son côté avec une carte du monde, nous commençons à pointer les itinéraires possibles, à tracer des lignes pour relier les continents, mettre des croix sur les endroits que nous ne voudrions absolument pas manquer. Une fois superposées, nos cartes indiquent nos envies d’aller… partout. Oups. Une année, ce n’est pas si long au final… A nouveau, les blogs de voyage sont d’une grande aide : je les parcours pour les exemples de destination, tandis que Camille les lit pour prendre des renseignements utiles. 

Lors d’une réunion d’équipe au boulot, j’annonce officiellement à mes collègues mon intention de quitter la fédération et de me consacrer à moi. Je suis soulagé et fier de moi. Le voyage prend une tournure vraiment réelle… Des devis pour des billets d’avion sont demandés à différentes agences de voyage. Ça se concrétise !

Eté 2018. Départ dans 4 mois.

Inventaire du matériel nécessaire, démarches administratives, multiples modulations de nos devis pour les billets avant l’achat définitif, dépôt des lettres de démission, visites médicales pour les vaccins… La préparation d’un voyage au long cours, ce n’est pas de tout repos ! Et cela se fait en parallèle de la rédaction d’une thèse pour Camille, et de notre investissement pour l’événement caritatif Ride for the Cause (qui vit sa dernière édition en tant que tel, et promet d’être grandiose !). Autant dire que nous n’avons pas une minute pour souffler.

Mi-juillet : Camille dépose sa thèse de doctorat, un soulagement après tant de mois de rédaction et de littérature. Pour se détendre après tant d’efforts, et accessoirement tester le matériel de voyage, nous partons camper aux Gorges du Verdon, en France. Quelques jours de répit dans ce tourbillon estival qui nous font beaucoup de bien, et nous confortent dans notre idée de voyager ensemble plus loin, plus longtemps. Et même si l’on ne réalise pas encore à 100% ce que l’on s’apprête à faire, l’excitation commence à monter petit à petit à l’approche du grand départ !

La question du partage de notre expérience revient à plusieurs reprises. Comment garder contact avec nos proches et leur raconter notre voyage, sans avoir à leur imposer nos récits ? Une page Facebook ? Pfff, le réseau social est en perte de vitesse et aucune personnalisation possible. Instagram ? C’est à nouveau très peu personnalisable, et ne marquerait que les highlights de notre voyage. Twitter ? Un certain président squatte ce réseau social ! Un blog nous paraît être la meilleure solution, ainsi chacun est libre de nous suivre ou non… Nous vous dévoilerons dans un prochain article comment est né le nom et le site Happy-Riders. D’ici-là, petit indice : quand on vous disait qu’on avait trouvé un moyen d’immortaliser notre sticker ‘carte du monde’ qui a tout déclenché… 😉

Fin août 2018. Départ dans 2 mois.

Camille a défendu avec succès sa thèse en privé ! Elle est maintenant officieusement docteure, et devra bientôt commencer à organiser sa défense publique. Le soulagement est grand, mais l’arrivée imminente de l’évènement Ride for the Cause* et la préparation de notre déménagement (encore !) ne laisse que peu de temps de réflexion. Notre appartement se couvre petit à petit de cartons, et nous, on court partout !

*Un succès, un magnifique week-end de partage ! 🙂

Début octobre 2018. Départ dans moins d’un mois.

L’évènement Ride est derrière, mais j’ai encore énormément de travail pour boucler les comptes de l’association. Notre départ est maintenant dans un mois, et nous avons en main l’attestation officielle de la commune qui nous permet de résilier tous nos contrats. Assurance par-ci, assurance par-là… On jongle entre les démarches administratives, le déménagement chez les parents de Camille, le nettoyage de notre appartement en vue de l’état des lieux, et les premières soirées d’au revoir avec nos proches, qui semblent bien mieux se rendre compte que nous de notre départ imminent. Nous qui pensions avoir atteint une surcharge d’engagements professionnels et privés en été, le mois d’octobre se révèle encore plus intense ! Camille de son côté est très prise, car elle doit organiser sa défense de thèse publique. Pour ma part, je dois régler les affaires encore en suspens et transmettre le plus d’informations possibles à mon successeur, ce qui me demande des heures et des heures de travail supplémentaires : je suis au boulot à 7h du matin, et ne part pas avant 21h, pour seulement commencer à me plonger dans la préparation du voyage et mes engagements associatifs. Le soutien moral de quelques collègues me donne l’énergie indispensable pour tenir jusqu’au bout ! 

Mi-octobre 2018. Départ dans 2 semaines.

Dernier jour de travail après 7 ans et 9 mois passé dans la fédération. C’est une sensation bizarre de ne plus avoir de job, mais en même temps, quel bonheur de se dire qu’à présent je ne subis plus cette pression professionnelle !

Appelez Camille Docteure ! Elle vient d’obtenir son titre universitaire de PhD. Quelle fierté de la voir réussir après tant d’années… C’est plus que mérité. 🙂 

Allez, encore une bonne dose d’administratif à régler en vue de notre départ imminent et se dépêcher de vendre la voiture ! Nous redoublons d’efforts pour aller d’un bureau à l’autre à la recherche de documents, déposer des formulaires, annoncer le départ à divers prestataires, communiquer avec la banque, etc… On devrait d’ailleurs ajouter ces kilomètres au compteur du voyage ! 🙂

1er novembre 2018. Jour du départ.

Dernier repas chez mes parents. Ce matin, nous avons dit au revoir à la famille de Camille ! Avec la retombée du stress de ces derniers mois, semaines, jours, nous avons tout deux attrapé un gros rhume. Nous partageons la soirée ensemble à discuter de choses et d’autres en attendant que mon frère Roberto vienne nous chercher pour nous déposer au parking du Vélodrome de Lausanne, d’où partira notre bus à destination de Paris.

  • Vous savez où vous allez dormir à Buenos Aires ? nous demande mon frère.
  • Non, aucune idée, je réponds.

Ni Camille ni moi ne savons exactement ce qui nous attend et pourtant l’excitation est palpable. Les larmes aux yeux, ma maman nous salue et on s’embrasse tous très fort. Nous ne nous reverrons pas pendant une année !

Il est 22h30, nous sommes assis dans ce bus à destination de Paris. Nous faisons un dernier geste en direction de ma mère et mon frère depuis la fenêtre. Ça y est, le voyage vient de commencer et l’inconnu se trouve devant nous… Non, nous n’avons pas peur, au contraire, nous sommes maîtres de notre destin et toutes les possibilités nous sont offertes dès à présent. Prochain arrêt Paris, puis vol à destination de Buenos Aires, via Madrid.

Le mec assis derrière nous se met immédiatement à ronfler à en faire trembler les vitres, et Camille se demande « Oh mon dieu comment vais-je dormir ? » Puis, avant qu’elle ne ferme ses yeux, elle me pose une question symbolique…

« Hey, Chris, tu réalises qu’on commence vraiment notre tour du monde là ? Non, et toi ? Non plus.”

La suite, vous la connaissez…

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