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Jours 242-243: Ceux qui s’immiscent chez les locaux

Ruteng, Île de Florès, Indonésie.

Jour 242: lundi 1er juillet 2019

Nous ne sommes pas pressés ce matin : notre transport à destination de Ruteng vient nous chercher à 10h seulement. Ce sera un peu moins sport aujourd’hui qu’il y a 2 jours, car le gérant de notre auberge nous a gentiment commandé un taxi partagé ! Lorsqu’il est plein, le prix par personne n’est pas si différent de celui du bemo… Pendant le petit-déj’ nous faisons nos adieux aux sœurs hollandaises, Elisa & Karina, ainsi qu’à Victorine & Julien, puisque tout ce petit monde continue leur périple en scooter en direction de l’est…

Les bouts droits de la route doivent se compter sur les doigts d’une main sur toute l’île. C’est impressionnant le nombre de virages effectué depuis notre arrivée à Florès, et ce trajet n’y échappe pas ! Nous partageons le véhicule avec deux autres locaux et un coq… Tout au long du trajet, grâce à l’écran LCD sur le tableau de bord, nous avons droit aux clips musicaux asiatiques, tous plus kitsch les uns que les autres 🙂

Notre auberge à Ruteng, le Hobbit Hill, se situe au milieu des rizières et nous l’avons choisie parce qu’elle avait de très bons commentaires sur les sites de réservation. Les tarifs sont dans la moyenne de ce que nous avons trouvé à Florès jusqu’ici et la chambre est toute mignonne, petite terrasse en sus avec vue sur les rizières.

La personne qui nous accueille ne parle pas un mot d’anglais, mais nous tend le téléphone pour discuter avec la gérante. Elle nous demande de la retrouver au centre du village… Ça tombe bien, nous crevons la dalle et il est déjà 15h, sans que nous ayons avalé quoi que ce soit depuis ce matin !

En marchant, le ciel se couvre abruptement et les nuages noirs stationnent au-dessus de nos têtes. Le gros orage ne tarde pas à tomber, nous devons nous abriter vite fait. Heureusement, l’averse ne dure qu’une quinzaine de minutes et nous poursuivons notre marche jusqu’au Kopi Mane, un bistrot bien classé et fréquenté par les touristes qui s’arrêtent à Ruteng. Nous commandons nos plats sans tarder et sans surprise, ce sera un mie goreng pour moi… 😉

Nous discutons avec le client assis à côté de nous, qui s’avère être également logé à Hobbit Hill. Il s’appelle Roberto, Italo-allemand mais habitant en Nouvelle-Zélande. Photographe professionnel, il voyage pour une série de reportages à travers Florès… De fil en aiguille, il nous explique qu’il a loué son scooter ici, au Kopi Mane. Nous faisons donc de même une fois le repas terminé.

De retour à l’auberge, nous ne faisons rien si ce n’est se reposer sur notre petite terrasse ; le temps est maussade mais au moins il ne pleut plus. Pour le repas de ce soir (on ne fait que de manger), nous jetons notre dévolu sur un restaurant qui propose des spaghettis et des pizzas ! Nous commençons un peu à saturer avec les nasi et mie goreng

Ben ce ne sera pas pour aujourd’hui : une fois dans le resto on nous dit qu’il n’y a plus de spaghettis ni de pizza ! « Sorry, no pizza, no spaghetti, nasi goreng and mie goreng yes. » Terima kasih, mais nous irons ailleurs… Direction le Café Agape, pour des plats indonésiens un peu plus variés. Nous sommes les derniers clients et la serveuse nous apporte l’addition en pyjama 🙂 Il est 21h…

Jour 243: mardi 2 juillet 2019

Nouvelle journée d’anthologie.

La principale curiosité de cette région sont les rizières en toile d’araignée (plus connues sous le nom de spiderweb). Avant de partir à l’assaut de ces rizières, nous prenons quand même le temps de déjeuner en admirant celles qui se trouvent en face de nous depuis notre terrasse.

Vamos, nous enfourchons le scooter et c’est parti ! Sur Maps.Me nous avions repéré un point de vue pour pouvoir les admirer en hauteur… mais sans succès : après plusieurs allers-retours sur la Transflores, impossible de trouver ce point de vue. Le paysage n’est pas désagréable pour autant, de belles rizières sont aménagées sur les flancs de montagne et nous en profitons pour prendre quelques clichés.

Au moment où l’on s’apprête à partir pour aller voir des cascades, un minibus rempli de missionnaires australiens s’arrête à côté de nous pour photographier eux aussi le paysage. Ils sont curieux et nous demandent d’où l’on vient, nous échangeons gaiement jusqu’à ce que leur guide entende que nous sommes à la recherche des rizières en toile d’araignée. Ledit guide connaît bien la région et nous indique par où il faut aller pour les voir ! Ils nous saluent et nous bénissent pour la suite de notre journée. 🙂

Pendant que nous roulons, bien évidemment en respectant les limitations de vitesse, avec les deux mains sur le guidon et sans dépasser de véhicule (hem hem), de multiples scootéristes nous font des signes en pointant notre roue arrière… Intrigués, nous nous arrêtons au bord de la route et c’est là que nous constatons avec effroi que notre roue a crevé !

On s’en fiche, la roue a l’air de tenir encore quelques heures, mais nous devons dès à présent faire attention à ne pas rouler sur des nids de poule. Et surtout, nous voulons absolument trouver ces fameuses rizières !

Les explications du guide tout à l’heure s’avèrent correctes et nous trouvons enfin l’entrée du point de vue sur les spiderweb. Petite discussion lors du paiement de l’entrée, car le mec voulait nous faire payer 20k roupies alors que tous les voyageurs nous ont bien dit de payer 10k maximum… Avant d’atteindre le point de vue, il faut monter une petite colline, rien d’exigeant mais heureusement elle est un minimum aménagée… Encore heureux de voir que l’argent est utilisé pour ça.

Nous y sommes, nous voyons ces fameuses spiderweb et effectivement elles en jettent ! Ce ne sont pas juste une ou deux, mais toute la vallée qui est en toile d’araignée, c’est dingue 🙂

Le ciel couvert et le fait que la récolte a déjà eu lieu font moins bien ressortir les démarcations et le contraste est moindre, mais ça n’empêche pas le panorama d’être saisissant ! Au même moment, une famille francophone arrive avec un guide local pour admirer le paysage à leur tour… D’ailleurs, leur guide leur explique que les toiles appartiennent à plusieurs générations de famille et que les champs sont répartis en fonction du nombre d’enfants. Notre oreille traînait par là 🙂

Nous récupérons notre scooter un peu dégonflé et partons cette fois à la recherche d’une cascade nommée Tengku Lese. Il est à peine 11h30 et selon Maps.Me nous devrions être de retour à Ruteng aux environs de 14h30 pour dîner… C’est ce que l’on se dit !

Le ciel est toujours couvert et à force de tourner dans tous les sens à travers la forêt dans la montagne, nous nous retrouvons complètement paumés… même Maps.Me n’arrive pas nous localiser !(Ou alors, il nous place au milieu d’un terrain vague…) Nous n’avons aucun moyen de savoir si nous sommes dans la bonne direction. Quelques virages et nids de poules plus loin, nous apercevons enfin la cascade… au loin ! Nous ne sommes même pas sûrs de poursuivre la route, car elle est très pentue et vraiment défoncée, si c’est bien cette route qu’il faut suivre… En plus de ça, nous commençons à avoir faim et à 12h30, la cascade est à peine à vue.

Pendant que nous discutons de la possibilité de poursuivre ou non la route, une famille arrive à pied avec un guide local… Tiens donc, c’est la famille francophone croisée au point de vue des spiderweb. Au début, nous expliquons la situation en anglais au guide : pneu dégonflé, pas de route pour atteindre la cascade, la faim qui se fait sentir. Puis la famille s’exprime en français entre eux et nous sautons sur l’occasion pour switcher en français. C’est là, contre toute attente qu’ils nous proposent de les accompagner : ils se rendent à la cascade et vont dîner dans le village au pied de celle-ci. Nous n’hésitons pas longtemps, on accepte cette chaleureuse invitation avec plaisir. C’est parti pour une demi-heure de marche !

C’est ainsi que nous faisons la connaissance de cette famille belge : Polo et Magalie les parents, et leurs trois enfants, Théo l’aîné, Félix le cadet et Marilou la benjamine. Pendant la balade nous partageons nos expériences de voyage : eux voyagent déjà depuis 8 mois et ils passent leurs dernières semaines en Indonésie avant de rentrer en Belgique…

Le guide, Ricardo, est un natif de cette région, et nous emmène à travers des rizières en terrasse absolument magnifiques. Impossible de les voir depuis la route, elles sont cachées mais elles sont ainsi préservées du tourisme de masse. Nous sommes les seuls étrangers et cela rend la vue encore plus belle, ces rizières valent le détour !

Au bout d’une demie heure de marche, nous atteignons le village au pied de la cascade. Des tas de gamins accourent vers nous ! Les enfants belges sont blonds, ce qui attise la curiosité des villageois 🙂

Nous poursuivons jusqu’à la cascade à dix minutes du village, accompagnés par quelques gosses locaux tout fiers de nous montrer le chemin. Il faut monter sur un gros rocher pour enfin voir cette cascade s’élever au-dessus de nos têtes, l’échelle en bambou installée n’est pas des plus rassurantes !

L’eau qui se vaporise permet de nous rafraîchir par ce temps gris mais à l’atmosphère lourde. Le guide et la famille belge descendent pour aller se baigner dans la rivière un peu plus en aval, tandis que nous restons encore un moment à apprécier cette puissante cascade. Pas vraiment d’autre choix, puisque nous n’avons pas pris nos maillots de bain…

De retour au village, le guide et la famille arrivent une quinzaine de minutes après nous. C’est l’heure du dîner et le chef du village nous invite dans sa cabane pour le partager avec les autres enfants du village.

Le guide, la famille belge et nous deux prenons tous place sur une natte en bambou, tandis que le chef et le reste des locaux s’assoient par terre. La tradition veut que les invités soient assis sur un tapis sans toucher le sol, les meilleures places de la maison leur étant réservées.

Le dîner commence par des cacahuètes grillées et du café. Les cacahuètes ne sont servies qu’aux invités, tandis que le café est la boisson de chaque repas… Ici, chaque habitant en boit dès son plus jeune âge !

Ricardo fait office de traducteur pour les échanges. Pendant que le repas est préparé, les enfants locaux se mettent à chanter et danser tous ensemble ! Nous apprenons même à chanter ‘Frère Jacques’ en indonésien. On sent très fort la joie de vivre chez eux, c’est contagieux 🙂 A notre tour, nous chantons en français (pas moi car je ne connais pas les paroles des comptines, mais la famille belge et Camille, oui) !

Du pain, une assiette de fromage et de viande séchée Des œufs, des nouilles et des légumes nous sont servis comme dîner. C’est tout simple, mais tellement bon que je me ressers plusieurs fois 🙂

Pour remercier les villageois de leur hospitalité, la famille belge avait prévu des cahiers et des stylos qu’ils offrent aux enfants. Ricardo a déconseillé de donner de l’argent, et de toute façon, ils sont nettement plus heureux avec un cahier à dessins et des crayons de couleur. Nous aurions bien voulu apporter aussi notre contribution, mais toutes nos affaires sont restées à l’auberge 🙁 Moralité : toujours avoir un petit quelque chose à offrir autour de soi, un sourire est très apprécié.

Pour digérer de ce délicieux repas, rien de mieux qu’une partie de foot ! Je me joins à l’une des équipes, balle en plastique et terre comme surface de jeu (les nids de poules font aussi partie du terrain). Tous les garçons du village sont sur le terrain. Les seniors et les femmes du village nous encouragent, ils vivent les actions avec nous, c’est génial ! Nous entendons Camille, Magalie et Marilou nous motiver à chaque toucher de balle. On s’en donne tous à cœur joie dans une ambiance bon enfant, sans compétitivité aucune…

Quelques gouttes de pluie se font sentir, il est déjà 16h30 et le temps de rentrer à Ruteng est arrivé, avant que ce ne soit encore plus sombre. Tous ensemble, nous reprenons le chemin en direction de nos véhicules respectifs, sous le regard des villageois nous saluant avec des ‘bye bye’, ‘terima kasih’, ‘hello mister’ 🙂

Retour à notre scooter parqué en lisière de forêt, puis nous nous séparons de la famille belge. Cela aura été une très belle rencontre, éphémère certes, mais nous les remercions chaleureusement pour l’opportunité qu’ils nous ont donné : vivre cette expérience humaine complètement inattendue, eux non plus ne s’attendaient pas à passer une telle journée !

Avant d’entamer la route du retour, nous nous arrêtons dans un kiosque pour remettre un peu d’air au pneu, histoire de rentrer entiers à Ruteng. En effet, le brouillard fait que l’on ne voit plus rien à 5 mètres, une visibilité quasi nulle et une roue dégonflée peuvent être un cocktail dangereux sur la route ! Mis à part le fait d’être mouillés après avoir roulé pendant plus d’une heure dans le brouillard, nous arrivons sains et saufs à Ruteng.

Il est juste 18h lorsque nous nous mettons à table au Kopi Mane… Une soupe chacun pour se réchauffer fait l’affaire ; nous n’avons pas envie de rentrer tout de suite à l’auberge pour ressortir plus tard… Les nanas de la table à côté de la nôtre ont remarqué que l’on parlait français, on discute alors un moment ensemble. Deux sœurs françaises, Myriam & Céline, cette dernière étant installée depuis 4 ans à Kuta Lombok, où elle possède un spa. Nous en prenons bonne note ! 🙂

Retour à Hobbit Hill : la pluie s’était calmée, mais à peine dans notre chambre que des grosses trombes d’eau recommencent à tomber… Une douche nous fait le plus grand bien, enfin dans notre lit à repenser à cette journée totalement improbable !

Nous avons eu des expériences incroyables et ressenti des émotions fortes depuis le début de ce voyage, la grande majorité ne pouvant être retranscrites telles que vécues, mais cette journée restera sans aucun doute marquée dans nos esprits. Le meilleur moment fut lorsque les enfants belges ont remis les cahiers et stylos aux enfants locaux. Cet instant a été chargé d’émotions pour nous, voir ces visages d’enfants tout sourire emplis de gratitude pour un cahier et un stylo, c’était touchant ! Leurs conditions de vie sont basiques, mais ils vivent avec l’essentiel, sans matérialisme superflu ou caprice d’enfant gâté… Ces jeunes habitent dans un village reculé où chaque enfant doit marcher deux heures pour se rendre à l’école dès 5h du matin, puis pareil pour le retour en milieu d’après-midi, du lundi au samedi, quand il n’est pas dans les champs à aider ses parents ou que la famille n’a pas les moyens économiques pour l’envoyer au lycée plus tard… Une belle leçon de vie, ces gens ont tellement à nous apprendre !

Petit à petit, nos yeux se ferment avec la fatigue, bercés par les clapotis de l’eau sur le toit…

Fin de la journée d’anthologie.

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