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Jours 317-318: Ceux qui piétinent les déchets

Koh Rong Sanloem – Sihanoukville – Poipet, Cambodge.

Jour 317: samedi 14 septembre 2019

Un rat mort, éclaté sur l’asphalte, ses tripes à l’air et baignant dans une flaque d’eau sale… C’est l’image qui me revient en tête comme une flèche à la rédaction de cet article, qui pour le coup ne contient que peu de photos ! Ne nous remerciez pas 🙂

Avant de rejoindre Sihanoukville (chantier-dépotoir à ciel ouvert précédemment décrit par Camille), nous prenons le petit-déjeuner au Seapony à Koh Rong Sanloem, là où nous avons déjeuné quasiment tous les jours depuis que nous sommes de ce côté-ci de l’île. La pluie diluvienne tombée durant la nuit a rendu le chemin boueux. Mes tongs m’ont définitivement lâché, à tel point qu’un touriste voyant que je galérais à marcher, m’a gentiment offert une paire de tongs qu’il n’utilisait plus. Thank you ! Elles sont en plastique et donc moins confortables que les miennes, mais qu’importe, j’en avais besoin. 🙂

Une énième coupure de courant nous empêche de commander des jus de fruits : on se contentera de nos déjeuners consistants et de thé ! Nous pouvons nous permettre de traîner un peu ce matin, puisque notre ferry ne part que vers 12h30. Aux environs de midi, nous posons nos sacs sur un banc en attendant l’arrivée du bateau. La pluie a recommencé à tomber ; on espère juste que le trajet ne soit pas aussi agité que ce que nous avons déjà vécu…

Ah, voilà le ferry qui débarque ! Il est… 13h15. Nous nous sommes habitués à la ponctualité des transports cambodgiens ! Cependant, nous ne savons toujours pas à quel port nous débarquerons à Sihanoukville. Encore une fois nous espérons (eh oui, une journée pleine d’espoir) qu’il arrivera au port principal pour ne pas avoir à reprendre un bus entre les différents ports de la ville.

Bonne nouvelle, le trajet d’une heure entre Koh Rong Sanloem et Sihanoukville se passe à merveille. Nous avons juste un peu les fesses humides à cause des sièges mouillés dans le bateau, mais à part ça, tout se déroule comme prévu. Il pleut toujours en arrivant à Sihanoukville, et manque de bol pour la ville, sa mocheté n’en ressort que mieux. Camille avait déjà mentionné les déchets flottants dans l’eau, et ben, ils n’ont pas bougé, on dirait vraiment une moquette de plastiques et autres emballages recouvrant la mer.

Mauvaise nouvelle, nous arrivons au port secondaire, c’est-à-dire qu’il nous faut trouver un moyen de retourner au port principal : à quelques dizaines de mètres de celui-ci se trouvent les bureaux de la compagnie de bus Giant Ibis, que nous voulons prendre à destination de Siem Reap. Heureusement, la compagnie de ferry fournit un bus comme à l’aller, sauf que cette fois il faut se faufiler entre des dizaines de Chinois pour tenter d’avoir une place dans le véhicule. On ne sait pas si le bus a été affrété pour eux uniquement, ou s’il est aussi possible d’y monter. Nous sommes en effet les deux seuls occidentaux à prendre place dans le bus, les autres touristes restent à quai. Nous espérons juste qu’il aille au bon endroit. Lorsque le véhicule démarre, je réalise qu’il prend la bonne direction, ouf !

Pour savoir à quoi ressemble le trajet de 8 km, je vous invite à relire le début de l’article de Camille. 🙂 À notre arrivée au centre de Sihanoukville, la vision est effroyable, vraiment. On dirait un décor de film d’horreur chinois à l’abandon, et en noir et blanc qui plus est. Comme je le disais, la pluie et le ciel couvert ne font que mieux ressortir la saleté de cette ville ! Nous sommes déposés au carrefour près du port principal. Selon Maps.me, l’agence de bus doit se situer à quelques mètres de là. On ne compte pas le nombre de chauffeurs de tuk-tuk qui tentent de nous harponner en quelques minutes… Bien évidemment, on décline toutes les offres, ce n’est pas censé être loin d’après le plan. Faux ! L’agence Giant Ibis est introuvable et les quelques fois que nous demandons aux locaux où se trouve la compagnie de bus, soit ils ne comprennent pas, soit ils ne veulent pas nous indiquer la direction sans nous y amener…

Nous commençons littéralement à tourner en rond, il pleut et le fait de marcher sur des déchets et d’avoir les pieds mouillés par la crasse n’aide pas à relever notre moral, car personne ne semble vouloir nous aider sans contrepartie financière. C’est bien la première fois depuis le début de notre voyage que je ressens à ce point que l’on tente de nous arnaquer. Un sentiment malsain : à tout moment, certains locaux tentent de nous déstabiliser pour mieux nous avoir.

La preuve en est lorsqu’à bout, nous acceptons l’aide de deux gars en scooter qui disent pouvoir nous amener gratuitement à l’agence de la compagnie de bus. Faux ! Ils nous déposent en fait à l’autre sortie du rond point, devant une agence de voyages appartenant certainement à une connaissance. Et nous remarquons qu’ils restent vers nous. Attendent-ils quelque chose ? Gratuitement n’avaient-ils pas dit ? Faux, ils attendent évidemment quelques billets ! Ça va, on a compris : ici plus qu’ailleurs, personne ne rend un service « gratuitement ». On leur file à chacun la même somme, l’équivalent de 1 franc suisse chacun pour les 500 mètres de trajet. La monnaie touristique courante étant ici le dollar américain, nous n’avons malheureusement pas moins… Non sans culot, l’un des deux insiste pour avoir un peu plus… Il a vite réalisé qu’on l’ignorait, il part discrètement.

Nous sommes toujours dans cette ville horrible, détrempés par la pluie, et le moral fortement atteint, devant cette nana de l’agence de voyage décidée à ne pas nous donner davantage d’informations quant à la véritable adresse de la compagnie de bus ! On commence à désespérer… Que faire ? Qui croire ? Où aller ? Sur ce coup Maps.me ne nous a pas aidé. Nous lui demandons si on peut utiliser son wifi, sa réponse est : « No wifi here ». Mouais, nous sommes peut-être touristes mais pas totalement stupides, le signal est bien visible sur le téléphone. De nouveau, on comprend qu’elle n’est pas coopérative.

Un peu plus bas dans la rue, là où les déchets se déversent dans la mer, la compagnie de ferry avec laquelle nous sommes arrivés vend des billets pour la compagnie de bus Giant Ibis. Connaîtra-t-on enfin la véritable adresse du bureau de Giant Ibis ? Non ! Ils ne peuvent (veulent ?) pas nous dire où se trouve l’agence… Il est presque 16h : décidément, on commence à se demander si on ne va pas devoir passer une nuit dans ce Chinatown de très bas niveau !

Dépités, nous nous attablons au Yasmine Café, petit restaurant tenu par des Occidentaux. Nous demandons au gérant s’il sait où se trouve l’agence Giant Ibis : il ne connaît pas… Allô, sommes-nous dans un mauvais rêve ? Profitons de son wifi ; mais avant ça, il faut consommer ! Bref, entre deux coupures de courant, nous réussissons enfin à trouver la bonne adresse sur internet. Miracle !!! Nous en avons presque les larmes aux yeux. Non pas des larmes de bonheur, plutôt des véritables larmes de malheur : l’agence se trouvant à 1.5 km d’où nous sommes actuellement, il va falloir marcher dans les flaques, piétiner les déchets jonchant le sol, enjamber les monticules de boue, etc 🙁

Nous terminons nos thés froids chèrement payés, puis partons à la recherche de cette agence. Elle a intérêt à ce qu’elle soit là, autrement on ira se noyer dans les déchets ! Tout d’abord, nous longeons la plage… Nous constatons que les détritus s’amoncellent à la sortie des canalisations, d’autres ordures sont éparpillées sur le sol et dans le sable, puis nous devons retenir notre respiration à cause des odeurs pestilentielles émanant de part et d’autre !

À un certain point, nous devons retourner sur une route très fréquentée et là nous remarquons, en plus de ce qui a été énuméré auparavant, qu’il n’y a pas de trottoir ! Nos sacs sur le dos, nous zigzaguons entre les nids de poules. Les véhicules nous frôlent et l’on doit éviter de se faire renverser, ou pire encore, se faire éclabousser avec un liquide noirâtre, de l’eau infecte ! Le pire moment arrive lorsqu’en déambulant parmi les immondices, nos yeux sont happés par une vision terrible : un rat fraîchement explosé sur le sol. Cette image symbolise cette ville… Nous sommes non seulement dégoûtés, mais aussi scandalisés par les conséquences inhumaines du développement de Sihanoukville. Un peu honteux également, il faut l’admettre, d’être ici et d’une certaine manière contribuer à ce système malsain et immoral par l’argent dépensé à notre passage… Si nous avions su que Sihanoukville ressemblait à ça, nous aurions changé notre itinéraire sans hésiter ! Un conseil, ne croyez pas certains blogs qui vous disent que cette ville est belle ! Ou alors, regardez de quand date la publication, véridique…

Des trombes d’eau nous tombent sur la tête. Notre moral au plus bas, nous poursuivons tout de même, jusqu’à ce qu’un nid de ptérosaure entrave notre progression. Soit nous marchons au milieu de la route, soit nous traversons le bassin urbain… Impossible de poursuivre sans nous mettre en danger sanitaire. Nous demandons à un chauffeur de tuk-tuk combien il prend pour nous déposer à 500 mètres de là. Pas coopératif du tout (tiens, ils se sont tous passés le mot), il essaie de nous faire payer un montant inapproprié pour le peu de trajet. No, thank you. On hèle un tuk-tuk conduit par une personne âgée : le chauffeur est souriant et accepte pour un prix raisonnable de nous amener au bureau de Giant Ibis que l’on perçoit un peu plus loin sur la route… Des quelques heures passées à Sihanoukville, c’est la seule personne à avoir esquissé un sourire et à s’être montrée honnête ! Il nous dépose au bureau de la compagnie, car ouuiiii celle-ci existe bel et bien !!! Nous achetons 2 billets pour le bus de nuit jusqu’à Siem Reap et laissons nos backpacks à l’agence ; le bus ne part que dans quelques heures.

C’est le déluge et nous n’avons franchement pas envie d’aller faire du tourisme autour, alors nous nous asseyons dans le premier restaurant qui nous paraît « avenant ». Il va de soi que tous les restaurants sont chinois… Ici, on ne prend même plus la peine de traduire les différents écriteaux, signalisation et informations en khmer. Pour les standards d’hygiène, on repassera ; je pense de toute façon que rien qu’en foulant le sol de cette ville, nous nous sommes immunisés contre un nombre certain de maladies. Journée sombre, autant dans la météo que dans le paysage de ce chantier-dépotoir : notre résistance a été mise à rude épreuve… Il ne nous reste plus qu’à attendre que ce soit l’heure de départ. Nous sommes trempés jusqu’aux os du petit orteil, avec la seule envie de quitter ce lieu indigne d’être considéré comme une ville. Au mieux, elle pourrait servir à tourner les prochains films catastrophe sur la fin du monde, au pire, l’enfer doit ressembler à ça !

De retour à l’agence, nous sommes invités à monter dans le bus. Nous n’arrivons pas à y croire, dans quelques instants nous quitterons cette ville. Oh, surprise, ce ne sont pas des sièges inclinables, mais des couchettes, ou plutôt des lits superposés comme ceux qui se trouvent dans les dortoirs ! Et ben, nouvelle expérience en vue. 🙂

On roulera jusqu’à Siem Reap à l’horizontale et en hauteur. Nous ne tardons pas à changer de « lit », car d’une part nous ne sommes que 3 passagers, et d’autre part, Camille reçoit des gouttes d’eau dues à la condensation de la climatisation. Le bon point concernant Giant Ibis est qu’ils prennent au sérieux les consignes de sécurité et qu’un steward est même disponible durant le trajet. Par contre, oubliez les ceintures de sécurité, il n’y en a pas. Le wifi si par contre, ce qui nous permet de faire passer un peu le temps en attendant de s’endormir…

La partie dans Sihanoukville s’avère, sans surprise, extrêmement rocambolesque : la route est cahoteuse et on manque presque de taper contre le plafond du bus tellement ça saute ! Camille est couchée côté vitre, et moi côté couloir. A chaque virage, je dois presque me retenir à la barre de protection (si on peut appeler ça une protection) pour ne pas me retrouver au sol.

Quelle journée ! Quelle nuit en perspective ! Demain est un autre jour…

Jour 318: dimanche 15 septembre 2019

Siem Reap bis : le steward nous réveille à l’entrée de la ville. Dans quelques instants nous arrivons au terminal de bus, là où nous étions arrivés depuis Bangkok il y a 14 jours.

Les chauffeurs de tuk-tuk, déjà très actifs à 6h30 du mat’, nous sautent littéralement dessus pour nous proposer un trajet jusqu’au centre-ville. Nous déclinons avec autant de politesse que possible étant donné l’heure matinale ; en effet, nous voulons continuer notre route jusqu’à la frontière avec la Thaïlande dès que possible. Selon les blogs, des minivans partent de Siem Reap toutes les heures pour rejoindre Poipet, la ville-frontière. Sauf qu’on réalise vite que ce n’est pas ici qu’on les trouve, apparemment ils partent du centre-ville… Très utile de construire un terminal de bus centralisé !

Nous devons être stratégiques et éviter de se faire avoir. Nous prenons des renseignements par-ci par-là, il s’avère que tous les tuks-tuks proposent le même prix. Un conducteur de taxi local ayant entendu que nous cherchions à rejoindre la frontière propose de nous y conduire. Son prix est raisonnable : le différence est moindre quant à ce qu’on paierait si on se décidait à aller au centre en tuk-tuk, trouver le bus et attendre qu’il parte. Là au moins, nous sommes assis dans une voiture et le trajet ne sera que plus rapide… Le courant passe bien avec le chauffeur, vraiment très sympa. Il nous explique sa situation ici à Siem Reap, nous dit qu’on a de la chance de pouvoir voyager partout et que lui ne connaît qu’une petite partie de son propre pays. Il a apparemment plu des trombes d’eau hier à Siem Reap, et les rues étaient toutes inondées. Contrairement à Sihanoukville, où on aurait dit qu’un tsunami était passé par là, ici à Siem Reap on n’aurait pas pu le deviner !

La route jusqu’à la frontière dure 2h30, mais au bout d’une heure, notre chauffeur reçoit un coup de téléphone et nous explique qu’il va devoir faire demi tour. Il contacte un autre chauffeur pour la deuxième partie du trajet, nous dépose à une station-service ; on monte dans le véhicule de cet autre chauffeur. Sa voiture est une berline standard 5 places, 3 à l’arrière 2 à l’avant, un peu plus petite que celle avec laquelle on vient d’arriver, et pourtant le nombre de passagers est supérieur. Nous sommes entassés à 4 derrière, des affaires entre nos jambes, une maman et son petit côté passager, bref le reste du trajet va être drôle !

Finalement, la promiscuité ne m’a pas empêché de dormir, j’ouvre les yeux à l’arrivée vers la frontière. Comme à l’aller, nous devons être vigilants et ne pas tomber dans les arnaques récurrentes ! Passage par la douane khmère, nos empreintes digitales sont scannées et nos passeports tamponnés ; nous sommes officiellement hors du pays en quelques minutes. Maintenant, nous devons chercher le bureau thaï pour le passage de l’autre côté de la frontière…

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