Siem Reap, Cambodge.
Jour 306: mardi 3 septembre 2019
Zut, il pleut à nouveau à verse lorsqu’on se réveille ce matin ! Bien sûr, c’est logique me direz-vous, puisque nous sommes en saison des pluies… Mais il arrive aussi souvent que pendant la mousson, il fasse relativement beau et sec dans la matinée, et que les averses ne se pointent que dans l’après-midi… Visiblement, aujourd’hui non, c’est mousson H24 ! 😉
On n’est pas pressés et cela nous a fait du bien de faire une grasse mat’ pour rattraper les heures de sommeil un peu précaires de notre nuit de bus entre la Thaïlande et le Cambodge. On décide donc de faire une journée « tampon » avant la visite des fameux temples. A la place, on va aller au Musée National d’Angkor pour en apprendre un peu plus sur la civilisation khmère et la construction des temples.
On prend le petit-déjeuner à l’auberge en fin de matinée, puis l’on se dirige à pied, capuchon et couverture étanche pour nos petits sacs, vers le musée qui n’est qu’à un kilomètre de notre auberge. Le trafic est moins dense que ce que je craignais, on parvient même à traverser la route sans problèmes !
Le musée est un magnifique bâtiment blanc situé à côté des jardins royaux. Il aurait été financé par la Corée du Nord comme cadeau au Cambodge… En tout cas, ça détonne du reste ! On paie l’entrée, on dépose nos sacs au vestiaire (appareils photos y compris, désolé !), et la visite commence… Petite mise dans l’ambiance avec la salle aux 1000 bouddhas, puis l’on entre dans la première galerie relatant l’histoire de la civilisation khmère. C’est super intéressant et l’on est absorbés par les explications car l’histoire du Cambodge nous est pour le moment complètement inconnue, et on a hâte d’en apprendre plus.
L’histoire khmère est divisée en 3 grandes périodes, simplement nommées pré-angkorienne, angkorienne (avec la fondation des différentes capitales et la construction des temples principaux), et post-angkorienne. La civilisation était très prospère dès les premiers siècles. Les écrits sur cette période sont principalement chinois ; l’Empire khmer s’appelait alors Fu-Nan et était bien plus grand que le Cambodge actuel, s’étalant de l’actuelle Birmanie du nord à la côte vietnamienne et la péninsule malaise, englobant une bonne partie de la Thaïlande d’aujourd’hui…
Pendant la période pré-angkorienne (jusqu’au 9e siècle), l’Empire khmer était énormément influencé par l’Inde, et l’hindouisme était la religion la plus largement répandue. Il y a plusieurs galeries dans le musée, chacune expliquant différents aspects des influences religieuses et des croyances khmères qui ont mené à la construction des Temples et de la cité d’Angkor. Les 3 principaux dieux hindous sont Brahma, Vishnu et Shiva, mais pour une raison que je ne suis pas sûre d’avoir bien comprise, Brahma était beaucoup moins présent chez les Khmers, qui vénéraient donc en particulier Vishnu et Shiva (ainsi que les autres dieux ‘secondaires’ hindous, bien entendu). Angkor Wat par exemple, le plus connu de tous les temples qui figure sur nombre de cartes postales du Cambodge, a été construit en hommage à Vishnu !
C’est très intéressant, parce que les croyances hindoues provenant de l’Inde ont été mélangées aux croyances animistes déjà ‘en place’ avant les influences hindoues. Les animistes ont pour dieux des symboles naturels, comme des forêts ou des montagnes, et cela crée de beaux mélanges de rites et de légendes plutôt inédites ! On reconnaît d’ailleurs beaucoup de symboles religieux vus à Bali, où la grande majorité de la population est également hindoue-animiste… Notamment les Apsaras, les nymphes de l’Empire khmer ou danseuses célestes, qui ont une grande ressemblance avec les danseuses balinaises, jusqu’à leurs doigts recourbés avec élégance vers l’arrière.
Quatre rois (dont je suis incapable de me rappeler les noms, pardonnez ma connaissance de l’alphabet khmer) ont principalement été à l’origine de la construction des Temples d’Angkor et l’apogée de l’Empire dans les années 800-1200… On en apprend sur leur vie, leurs influences et « leurs » exploits architecturaux.
Après l’apogée de l’Empire, le bouddhisme a progressivement remplacé l’hindouisme en tant que religion principale. Les temples ont continué à être le centre de l’Empire mais la ville capitale a été déplacée… Truc assez fou : tout en restant sur pied tels quels, les Temples d’Angkor ont donc cessé d’être utilisés pour la religion hindoue, et sont devenus des temples bouddhistes ! Selon la confession et les croyances des rois, quelques petits changements ont quand même été apportés aux Temples d’Angkor au fil des années : l’ajout d’une salle aux 1000 bouddhas à Angkor Wat, le temple originairement dédié à Vishnu, le re-façonnement léger de quelques statues… Et le tour est joué. 🙂
Il est vrai que les 2 religions sont extrêmement proches l’une de l’autre ; cela était très confus pour moi avant d’arriver en Asie, mais avec la retraite méditative et les différents enseignements culturels que l’on a eu jusqu’à maintenant, je comprends mieux l’histoire ! Les enseignements du Bouddha viennent bien entendu de Bouddha, le premier homme à avoir atteint le Nirvana selon de nouvelles pratiques méditatives, mais beaucoup de croyances bouddhistes qui « gravitent » autour des enseignements du Bouddha, comme le karma ou la réincarnation, sont clairement issues de légendes hindoues… Voilà qui explique aussi pourquoi on retrouvait des temples hindous et bouddhistes dans le même complexe, à Prambanan en Indonésie ! 🙂
On s’abreuve d’Histoire sur les symboles architecturaux des temples, sur les écris khmers, dont l’alphabet actuel dérive du sanskrit, les fresques d’Apsaras et autres gravures représentant les dieux hindous… Le musée n’est certainement pas l’un de ces musées modernes et interactifs, mais ce n’est pas grave ; on le visite à l’ancienne en lisant les panneaux et en observant les reliques, c’est vraiment intéressant !
Il est 16h15 lorsqu’on sort du bâtiment. Le timing est parfait car on avait justement dit à Victorine et Julien qu’on pouvait se retrouver vers 17h… A croire qu’on ne peut décidément pas arriver dans un nouveau pays asiatique sans retrouvailles ! 🙂 On avait passé une chouette journée sur l’île de Florès en Indonésie avec ce couple de voyageurs français. On est restés en contact et voilà qu’au lieu de se retrouver à Bornéo comme éventuellement imaginé, c’est au Cambodge que nos chemins se recroisent ! 🙂
On se donne donc rendez-vous à 17h au GZ plan B hostel. De notre côté on y va à pied en pensant être à l’avance, mais comme on a de la peine à trouver l’endroit, on arrive au final pile poil en même temps que Victorine et Julien qui débarquent de leur tuk-tuk. Trop génial de partager une bonne bière dans un nouveau pays, 2 mois après notre rencontre !! On passe un super moment à discuter de plein de belles choses et le temps, lui, passe beaucoup trop rapidement…
Vers 18h30, on fait connaissance avec le papa de Victorine, venu les chercher pour aller partager un dernier repas avec leur guide. Le père et le frère sont effectivement venus les retrouver au Cambodge pendant 2 semaines, et demain ils s’envolent tous les 4 vers le sud du pays ! On se serre dans les bras en promettant de se revoir en Europe, puis nos chemins se séparent…
Comme on n’a rien mangé depuis le petit-déjeuner et que la bière nous creuse l’estomac, on commence vraiment à avoir faim ! Avec la pluie qui n’arrête pas de tomber, on ne va pas bien loin : dix mètres de plus et on repère l’enseigne d’un restaurant qui propose de la nourriture khmère pour pas trop cher. Un de ces petits restos locaux comme il y en a des dizaines dans la rue, des centaines à Siem Reap, des milliers au Cambodge, une quantité astronomique dans le monde entier……………… et pourtant.
Je n’ai pas posé ma veste que j’entends Chris s’exclamer « Mais ? On se connaît non ? » La fille de la table à côté nous regarde avec des yeux ronds. Et pour cause… Lydia ?????? Lydia et moi avons toutes deux fait partie de la même association étudiante à Lausanne, pendant notre thèse. Elle a terminé il y a un petit moment déjà, et est partie voyager autour du monde sans itinéraire précis ! On avait bien dit qu’on se tiendrait au courant de notre parcours mais ne nous connaissant pas très bien, on n’était finalement pas vraiment restées en contact… Quelle était la probabilité de se rencontrer complètement par hasard quelque part dans le monde pendant nos années de voyage respectives ?????? C’est hallucinant. On tombe des nues…
Cela fait déjà un moment qu’elle est en route et elle envisage gentiment le retour à Barcelone, dans sa patrie natale. Elle avait pour objectif personnel d’apprendre quelque chose de typique dans chaque pays traversé ; elle a donc dansé la salsa à Cuba jusqu’au bout de la nuit, réussi un diplôme de yoga en Inde, conduit une moto en solo en Mongolie… et la voilà arrivée au Cambodge il y a quelques jours pour un stage d’initiation à la boxe khmère. C’est son deuxième jour et elle a des courbatures partout !
On s’assied à côté d’elle et son ami américain né au Cambodge qui boxe avec elle pour une soirée des plus improbables… Dingue dingue dingue, on n’en revient toujours pas !!!!
Jour 307: mercredi 4 septembre 2019
On avait mis notre réveil assez tôt avec pour programme notre première journée de visite aux temples, mais vu le déluge, c’est reporté… On se rendort, ventilo à fond et bruit de la pluie sur les vitres !
Il pleut toujours lorsqu’on descend prendre notre petit-déjeuner vers 9h30, du coup on geek un moment dans la pièce commune de l’auberge. Depuis quelques jours, on suit de près le site meteoblue et visiblement, il s’avère plutôt fiable ; bonne nouvelle, quasiment pas de pluie pour demain et après-demain ! Comme on n’est pas pressés, on décide donc de décaler (encore) notre visite aux fameux Temples d’Angkor. A la place, aujourd’hui, on va faire… un cours de cuisine !
En fait, j’ai discuté avec un Belge de 70 ans, Philippe, à la douane Thaïlande – Cambodge, il y a quelques jours. Il se trouve qu’il tient une crêperie-pizzeria à Siem Reap avec sa femme d’origine khmère. Je lui avais demandé le nom de son resto en me disant qu’on y passerait peut-être… Et voilà qu’en le cherchant sur le web, je découvre que sa femme, qui a travaillé en tant que cheffe dans les cuisines d’hôtels de luxe, tient une école de cuisine khmère. On n’hésite pas longtemps (voire pas du tout) : je le contacte et il nous confirme l’envoi de son tuk-tuk à notre auberge pour 16h30. Parfait !
En attendant, on avance tranquillement le blog sur la terrasse couverte de l’auberge et on va se partager une assiette au WatBo, le petit café en face de notre auberge, qui deviendra décidément notre QG de Siem Reap. A 16h30 comme prévu, un chauffeur vient nous chercher en tuk-tuk pour nous amener en plein centre, dans les petites rues piétonnes du quartier de Pub Street, la très animée, très chic et très touristique rue de Siem Reap. Le resto s’appelle Crep’Italy et possède une cuisine équipée pour les cours de cuisine à l’étage ; un endroit super sympa ! On discute un moment avec Philippe, puis on rencontre notre prof du jour : Channy, un petit bout de femme d’un mètre 40 qui a une énergie de dingue et un rire communicatif.
On choisit chacun une entrée, un plat et un dessert ; ce n’est pas chose facile car tout à l’air bon ! Pour Chris, ce sera une salade de mangue épicée aux crevettes, suivie d’un émincé de bœuf « lok-lak », puis des bananes flambées au whisky et fruits de la passion. Quant à moi, je préparerai une salade épicée de poulet et pomélo pour l’entrée, un amok fish pour le plat principal (le plat apparemment typique de la cuisine khmère), et enfin des petits dumplings au sucre brun. Vous vous en doutez, on a déjà l’eau à la bouche !!
Première étape : compléter la liste des ingrédients en fonction des plats que l’on a choisis. Et pour cela, Channy nous amène au marché local, tout près du restaurant ! On zig-zague entre les allées de fruits et légumes de toutes les couleurs, de sacs de mille variétés de riz, de graines et d’épices… Channy nous montre les oranges vertes du Cambodge, le curcuma, diverses épices, les fruits du dragon, elle nous fait sentir différentes poudres épicées… Waouh !
Citronnelle, curcuma et citrons verts dans le panier, on fait un dernier tour par le secteurs des viandes avant de sortir du marché. Channy nous explique qu’elle n’achète la viande ici que pour les cours de cuisine du matin… Si le cours a lieu l’après-midi ou même en fin de journée, comme pour nous, la fraîcheur de la viande n’est plus au rendez-vous et nos petits estomacs d’Occidentaux ne tiendraient probablement pas le coup. 😉 Effectivement, l’odeur n’est pas des plus plaisantes et j’observe avec amusement les femmes khmères qui tiennent leur stand, assises dans leur hamac et très occupées à agiter un sac plastique attaché au bout d’un bâton pour éviter (pas très efficacement) que les mouches ne viennent profiter de la viande avant le client…
Retour au resto et installation dans l’école de cuisine, à l’étage. On aura même un cours privé car comme on a réservé en dernière minute, il n’y a pas eu d’autres requêtes entre temps ! 🙂
On commence par la salade de mangue-crevette ou de pomélo-poulet. Beaucoup de légumes à éplucher et à couper ‘touuuuuuuut petiiiiiit’ et ‘comme-ci comme-ça’ selon Channy, qui connait quelques mots de français. 🙂 On se marre bien, le cours est super chouette et Channy maîtrise extrêmement bien son enseignement : elle nous fait jongler avec dextérité entre la préparation de notre dessert, la cuisson de nos plats, l’assaisonnement de nos salades… C’est génial !
On apprend qu’ici, la sauce à salade doit être cuite, car c’est en fait un émincé d’ail, de piments et d’échalotes rissolées à la poêle et allongées avec de l’eau et du jus de citron… Chris manie avec grâce la louche pour ajouter lait de coco, sauce pimentée et autres saveurs dans son émincé de bœuf, tandis que je me retrouve avec les doigts complètement jaunes, la faute à la racine de curcuma que je dois couper et piler au mortier avec la citronnelle, les échalotes et le piments. On utilise le fameux poivre du Cambodge, de la région de Kep ; j’ajoute une cuillère d’huile de paprika dans ma soupe de poisson, je ne savais même pas que ça existait !
Cerise sur le gâteau, on fait même un atelier bricolage avec des ciseaux et une agrafeuse pour confectionner les petits paniers et dentelles servant à dresser joliment nos plats sur assiette. Le tout en feuilles de bananier, bien entendu. Bref, 2 heures et demies vraiment super sympas à apprendre plein de choses sur la cuisine khmère, assez peu connue (il me semble) à l’international, et pourtant extrêmement savoureuse… Mais pour en être sûr, il faut suivre le rythme de Channy, et ce n’est pas de tout repos ! 😉
Voilà, il est 19h30 et on dresse la petite touche finale sur nos assiettes : des fleurs taillées dans des carottes. Channy nous a montré comment faire, mais vu l’échec à peu près total de nos tentatives, on a utilisé les siennes. On descend s’asseoir au resto, où l’on est servis comme des rois pour déguster nos confections. Verdict : SUCCULENT !!! Les salades en entrée sont fraîches, légères et parfumées… Quant aux plats, ils sont plein de saveurs inconnues, c’est une explosion en bouche ! Et les desserts, olalah… On est pleins à craquer. 🙂
On discute encore un moment avec la femme de Philippe, puis retour à l’auberge à pied pour digérer un minimum. Les rues centrales de Siem Reap sont modernes et animées (il y a même un Hard Rock Café), quel contraste avec les ruelles adjacentes : dès que l’on s’éloigne un peu du centre touristique, la pauvreté du pays saute aux yeux…
Il ne pleut plus et le ciel s’est partiellement dégagé. C’est de bon augure pour demain ! 🙂
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